Le beau doute..
[ Lire en musique > Loudon Wainwright III - Overseas Call (MP3) via ORTF, qui, snif', part en vacances ]
Est-ce qu'Ariel doute quand il envoie Tsahal bombarder une école qui abriterait des terroristes du Hamas et autres branches armées de l'arbre tentaculaire de la haine aveugle ?
Et-ce que Debeulyou hésite quand il envoie ces concitoyens chasser le Tiran sur les terres fertiles du 18 trous baassiste, mettant à feu et à sang un pays qui a déjà tout subit ?
Est-ce que le "Club des cinq", qui n'est pas une collection de romans verte ou rose, doute quand ils tentent une énième résolution ou un ultime compromis pour sortir de l'engrenage nucléaire iranien ?
Est-ce que le petit Nicolas s'interroge quand il envoie quelques dizaines d'encasqués évacuer tel squat ou immeuble insalubre de tel ou tel arrondissement pas forcément capital, à la veille de ce vraisemblablement frileux hiver, mettant à la rue familles, enfants et divers démunis aux incertains permis de séjourner dehors ?
Est-ce que ces décideurs se tâtonnent lorsqu'ils n'ont d'yeux que pour le cour du brut et le lobby atomico-pharmacotique-capitalistique, quand l'eau et l'air seront les véritables maux de la faim ?
Est-ce que les 60% de polonais qui n'ont pas été voté s'interrogent et culpabilisent quand deux jumeaux d'une droite qui n'a rien de modérée prennent le pouvoir, appelant à une "nouvelle république" et à une "révolution morale" (ça me rappelle d'autres frères, une autre république...) ?
Est-ce que ce chinois "lambda" qui s'en va user ses paluches 12 à 13 heures quotidiennes dans une usine morbide d'un surpeuplé canton ou district bridé par le pouvoir central a le loisir de se questionner sur son sort, celui des siens ou l'impact de son ouvrage sur l'artisan nordiste occidentale aux 35 heures paradoxalement sous-payées ?
Est-ce que le Président-Directeur-Général-désarmé-des-ressources-humaines-financières d'une célèbre multinationale de composants électroniques (ou autre) à la matière grise et la sueur délocalisables a des scrupules lorsqu'il licencie une palanquée d'employés d'un revers lissé de la manche, coté en bourse ?
Est-ce que Sanofy-Pasteur doute lorsqu'ils brandissent le spectre de l'agrippe à vie(R) pour inciter tel ou tel gouvernement à commander et stocker les millions de produits d'hypothétique consommation qui feront monter son cours et péter le champagne LVMH ?
Est-ce que le mafieux sud américain de beau-gotha ou autre favelas explosive se tracasse de considérations diverses lorsqu'il ensert dans ce sachet transparent ces quelques grammes de mort en poudre immaculée ?
Est-ce que ce russe tirant post-communiste-et-post-je-ne-sais-quoi-encore se turlupine lorsqu'il s'attaque à ce lointain et contingenté petit pays à majorité musulmane pour préserver les douteux intérêts d'un faste perdu dans la froide guerre à l'économie inhumaine ?
Parce que moi, ce matin, je doute. Je me dis que, sans doute, si avec plus de certitudes j'avançais, je noircirais moins de papier, griffonnerais moins tardivement, aurais moins de scrupules à me questionner, sans cesse, à la face du monde en cet espace-mémoire addictif, sur son sens ou ses dérives. Je perdrais moins de temps alors à tenter d'en gagner sur cette improbable tragédie que l'on dit être la vie, ou ce crétin-destin plus ou moins collectif. je serais sans doute plus libre si je m'interrogeais moins ; à moins, justement, que ce ne soit le contraire.
Parce que le doute m'habite je me sens plus riche. De ne pas savoir. De chercher à comprendre. Parce que si demain mes bambins me demandent "Papa, c'est quoi cette bouteille de lait ?" je me trouverai bien con, le doute blasé et la mine austère des affaires étrangères, de leur répondre "C'est ton petit déjeuner", oubliant les près et l'herbe verte, la semence Monsanto et la farine amirale, la vache, le veau, le paysan, le tracteur, la tireuse et autre machine-outil, l'électricité, le transporteur, le 33 tonnes, son carburant, le CO2, l'usine de conditionnement, ses rejets, le distributeur, le marketeur, le packageur, le revendeur, la caissière, le banquier, l'assureur, leurs stock-options, le syndicaliste, ou encore cette pièce bicolore remisée dans ce caddy empli de sacs non-dégradables et bio-contestables. Alors je doute. Oui. C'est quoi cette bouteille de laid ?